Le projet de loi de « simplification » discuté à l’Assemblée nationale révèle un mécanisme désormais bien rodé : utiliser les crises économiques comme prétexte pour approfondir les politiques mêmes qui les ont engendrées. Sous couvert de « faciliter la vie des entreprises », ce texte constitue un acte délibéré pour empêcher tout débat démocratique sur les projets économiques et leur impact sur les territoires.
Un démantèlement systématique des contre-pouvoirs
La brutalité de la méthode est frappante : suppression de 32 comités consultatifs dont les CESER, limitation du champ d’action de la Commission nationale du débat public pour les projets industriels (signez la pétition de France Nature Environnement), élargissement des « projets d’intérêt national majeur » permettant à l’État de s’affranchir des décisions locales. Ces mesures dessinent une stratégie cohérente : centraliser le pouvoir et neutraliser toute opposition potentielle.
Quand le ministre Marcangeli parle d’un pays « obèse de sa bureaucratie » nécessitant des mesures drastiques, il présente les protections démocratiques comme une pathologie dont il faudrait guérir, plutôt que comme des garde-fous essentiels pour les citoyens.
Le mépris des aspirations démocratiques grandissantes
Ce projet intervient paradoxalement à un moment où une part croissante de la population exprime une volonté claire de participation aux décisions qui affectent son cadre de vie. Les manifestations contre les grands projets contestés comme l’A69, et plus près de chez nous,la déviation de St-Peray, ne sont que la partie visible d’une aspiration plus profonde qui s’exprime jusqu’aux comités de quartiers.
Face à cette demande légitime, les pouvoirs en place ont développé une stratégie de simulacres participatifs : consultations sans conséquence, débats aux conclusions ignorées, instances participatives aux pouvoirs limités. Cette démocratie de façade, qui prétend écouter tout en poursuivant des objectifs prédéterminés, est désormais complétée par ce texte qui vise à supprimer même ces espaces restreints de délibération.
Une régression sociale et écologique programmée
L’assouplissement du dispositif « zéro artificialisation nette », les délais supplémentaires accordés aux entreprises pour compenser leurs atteintes à la biodiversité, ou encore la facilitation de l’exploitation des ressources du sous-sol révèlent la face environnementale de cette offensive. Sur le plan social, ce sont toujours les mêmes qui payent : habitants des territoires ruraux et périurbains, riverains d’infrastructures polluantes, et générations futures.
L’urgence d’une alternative démocratique
Il est plus que temps de mettre fin à cette conception verticale et autocentrée du pouvoir. L’intelligence collective des habitants, leur connaissance fine des enjeux locaux et leur créativité sont des ressources précieuses systématiquement écartées.
Ce projet de loi, loin d’être une simple mesure technique, représente un tournant dangereux vers une gouvernance où l’urgence économique justifierait l’affaiblissement permanent des protections sociales, environnementales et des processus démocratiques. Il révèle l’ivresse d’un pouvoir qui, sous couvert de simplification, cherche à s’affranchir de tout contrôle citoyen pour imposer sa vision économique sans débat.
Face à ce cercle vicieux, l’alternative n’est pas moins mais plus de démocratie : non pas une démocratie de façade, mais une réelle capacité des citoyens à co-construire les décisions qui déterminent leur avenir commun.